Je ne parviens plus à toucher terre, emporté que je suis dans un tourbillon de tâches sans grande importance. J'ai du mal à croire en quelque chose. La foi est le privilège des oisifs. Il faut du temps devant soi, derrière soi, autour de soi, pour se poser toutes les questions qui finiront par mener à la seule réponse acceptable : oui, je crois car je n'ai aucun intérêt à nier les évidences, même les moins évidentes. Et quand il est question de croire, la divinité n'a guère d'importance : Dieu, la Science, l'Argent, le Sexe, la Politique. Allah est grand et Zeus presque oublié entre les lignes d'une légende urbaine. Pour ce qui me concerne le débat est clos depuis longtemps : l'éternité sera mon voyage et la mort un simple passage d'une vie à une autre. Cette illumination m'a saisi dès l'enfance et je ne l'ai jamais remise en cause même en la juxtaposant à la médiocrité de mon parcours. En effet, réussir socialement, sortir du rang, devenir un leader charismatique ne signifie rien. Un simple effet de mode, un quart d'heure de gloire éphémère sans grande signification quand on dispose de l'éternité devant soi. Ces gloires de pacotille ne font frémir que les âmes molles dont les contours fondront aux premières chaleurs de l'été en révélant en pleine lumière le vide qui les habite. Je suis toujours un peu sur la défensive quand j'affirme mes certitudes. Sans preuve irréfutable il n'est pas de procès qui se gagne sans risque d'appel ou de cassation. J'admire ceux qui savent raconter les mille et un détails de leur vie quotidienne, transformant d'un coup de baguette magique les cailloux du chemin en pierres précieuses. A moi, tous ces trésors me tombent des mains. Je ne suis jamais parvenu à les retenir et ils se perdent dans un nuage de poussière. Je me demande si la grandeur d'une vie ne se niche pas là, dans ces moments de grâce saisis au vol par un observateur attentif qui ne perd rien de ce qui se déroule autour de lui, gravant dans le marbre chaque événement d'une vie gâchée. Le microscope permet de scruter les limites de l'univers, de découvrir de nouvelles galaxies intérieures avec leurs étoiles, leurs planètes et leurs trous noirs. Des astres qui naissent et qui meurent dans un grain de sable. J'ai toujours envisagé avec enthousiasme ce scénario et que la connaissance viendra de notre observation de l'infiniment petit.